C-9 vu par ChatGPT

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Problèmes structurels du projet de loi C-9

Analyse critique

État du texte au 15 décembre 2025

Date du document : 15 décembre 2025
Nature du document :
analyse critique à caractère juridique et structurel.
Note : le présent texte ne constitue pas un avis juridique.


Le projet de loi C-9 vise à modifier de manière substantielle le Code criminel du Canada en matière de propagande haineuse, d’infractions motivées par la haine, d’intimidation liée à l’accès à certains lieux, ainsi que d’exposition publique de symboles associés au terrorisme ou à des idéologies haineuses. Les objectifs affichés du projet de loi — lutter contre la haine, protéger les groupes vulnérables et prévenir l’intimidation — sont largement partagés. Toutefois, même après les amendements apportés au cours du processus parlementaire, plusieurs problèmes structurels importants demeurent.

L’un des enjeux centraux réside dans l’introduction d’une définition légale de la « haine » dans le Code criminel. Cette définition repose principalement sur des états émotionnels, décrivant la haine comme un sentiment plus fort que le dédain ou l’aversion et comportant de la détestation ou du dénigrement. Une telle approche soulève des difficultés sérieuses, car elle s’éloigne des critères développés par la jurisprudence antérieure, notamment dans les arrêts Keegstra et Whatcott, où l’accent était mis sur des formes extrêmes, durables et déshumanisantes de discours. En abaissant le seuil d’intervention pénale et en privilégiant l’inférence de l’intention plutôt que l’observation de comportements clairement définis, le projet de loi accroît le risque d’interprétations variables et d’applications incohérentes.

Un autre changement significatif concerne la suppression de l’exigence du consentement préalable du procureur général pour certaines poursuites en matière de propagande haineuse. Cette exigence jouait historiquement un rôle de filtre institutionnel, visant à limiter les poursuites aux cas les plus graves et les plus clairement établis. Sa suppression facilite l’engagement de poursuites à l’échelle locale et augmente le risque de réactions pénales motivées par des pressions sociales, politiques ou médiatiques, particulièrement dans des contextes de discours sensibles ou controversés.

Le projet de loi crée également une nouvelle infraction visant l’exposition publique de symboles associés à des entités terroristes ou à des idéologies haineuses. Bien qu’un amendement récent ait clarifié la distinction entre les usages nazis de la croix gammée et les usages religieux ou culturels traditionnels de la swastika, l’infraction demeure formulée en des termes larges. Les notions de symbole « principalement utilisé » par une entité terroriste ou « susceptible d’être confondu » avec un symbole interdit restent imprécises et fortement dépendantes du contexte. Cette imprécision expose le régime à un risque de criminalisation d’expressions symboliques situées à la frontière de l’histoire, de l’éducation, de l’art ou de la contestation politique.

Une autre innovation majeure du projet de loi concerne la création d’une infraction spécifique d’intimidation liée à l’accès à des lieux religieux, culturels, éducatifs ou communautaires. Cette infraction vise les actes commis dans l’intention de provoquer la peur afin d’entraver l’accès à ces lieux. Toutefois, la formulation retenue est très large et repose sur des concepts subjectifs, notamment l’intention de provoquer la peur. La frontière entre intimidation criminelle et manifestation bruyante, perturbatrice ou politiquement dérangeante mais néanmoins légale demeure floue, ce qui ouvre la porte à des interprétations extensives et à un risque de judiciarisation excessive de formes de protestation pacifique.

Le projet de loi opère par ailleurs un changement profond en transformant la motivation haineuse, auparavant considérée comme un facteur aggravant lors de la détermination de la peine, en une infraction criminelle autonome. Cette transformation a pour effet de déplacer le cœur de l’analyse pénale vers l’examen de l’état d’esprit de l’accusé, plutôt que vers l’acte commis. Les peines maximales associées à cette nouvelle infraction peuvent atteindre des niveaux très élevés, allant jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité dans certains cas. Ce glissement soulève des questions sérieuses quant au respect du principe de proportionnalité et expose la disposition à des contestations fondées sur les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les pouvoirs de confiscation prévus par le projet de loi méritent également une attention particulière. En autorisant la confiscation de biens « au moyen desquels ou en liaison avec lesquels » une infraction a été commise, le texte adopte une formulation très large. Cette approche pourrait permettre la saisie de biens personnels tels que des téléphones, des caméras, des ordinateurs ou des véhicules, même lorsque leur lien avec l’infraction alléguée est indirect. Le risque est que la confiscation prenne un caractère punitif, au-delà de sa fonction probatoire traditionnelle.

Pris isolément, chacun de ces éléments soulève des interrogations. Pris ensemble, ils produisent un effet cumulatif préoccupant sur la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la sécurité juridique. L’architecture globale du projet de loi tend à accroître les pouvoirs discrétionnaires de l’État tout en laissant subsister des zones d’imprécision importantes. Plusieurs organisations de défense des libertés civiles continuent d’ailleurs de souligner que cet ensemble de mesures pourrait excéder ce qui est nécessaire ou proportionné pour atteindre les objectifs poursuivis.

En définitive, au 15 décembre 2025, malgré certains amendements ciblés, les critiques structurelles fondamentales du projet de loi C-9 demeurent largement valides. Les définitions imprécises, l’abaissement de certains seuils d’intervention pénale, l’élargissement des pouvoirs de poursuite et de confiscation, ainsi que les vulnérabilités constitutionnelles persistantes rendent l’équilibre entre sécurité collective et libertés fondamentales fragile et incertain.